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et d’autres au besoin. Il était connu comme le loup blanc dans tous les bureaux, et, grâce à sa parenté, à une certaine bonhomie de surface, à ses façons familières avec les subalternes, à la facilité avec laquelle il avalait les couleuvres que comporte le métier, il y était, sinon très estimé, du moins écouté assez souvent. Aussi, lorsqu’un curé obtenait cent francs pour un ornement d’église, ou qu’une commune recevait une subvention pour réparer un pont, une lettre partait du ministère et allait apprendre aux intéressés que sur la recommandation de l’honorable M. Duffart, conseiller général d’Auberoque, Son Excellence monsieur le Ministre de… avait accordé… etc., etc.

Et l’obligeance de M. Duffart ne se bornait pas aux affaires publiques, elle s’étendait aux affaires privées. Il achetait des coupons en solde au Louvre pour les demoiselles Caumont, cherchait un bon fusil d’occasion pour M. Foussac, abonnait madame Grosjac au Moniteur de la Mode, courait les magasins anglais pour les dames Monturel et faisait généralement tout ce qui concernait son état.

Après une jeunesse un peu libertine, et une liaison fâcheuse rompue pour des nécessités de situation, l’honorable M. Duffart vivait seul avec sa sœur, veuve de trente-huit ans qui, ayant tâté de l’armée en la personne d’un capitaine d’infanterie qui lui avait légué des rentes, cherchait un homme politique