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ni par le caractère ni par les capacités, était en revanche fertile en expédients et fécond en petits moyens. Son insuffisance était notoire, mais il avait tant couru le canton, serré la main de tant d’électeurs, câliné tant de femmes, embrassé tant de marmots « bouchards », qui est à dire barbouillés, distribué tant de mandats de secours, fait tant de promesses, tant intrigué, et tant trinqué dans les cabarets, qu’il avait été, le préfet aidant, élu avec une belle majorité. Depuis, il s’était maintenu par les mêmes procédés, perdant des voix à chaque nouvelle élection, toutefois. Il ne se nommait pas dans la contrée un instituteur, un receveur-buraliste, un facteur, un cantonnier, dont la demande ne fût apostillée par lui. L’ami préfet n’exigeait pas précisément cette formalité, mais il faisait le sourd jusqu’à ce qu’un affidé eût fait entendre au postulant qu’avec la recommandation de M. Duffart la réussite était certaine. Et, en effet, autant l’affaire avait traîné, autant elle marchait rapidement lorsque le conseiller-inspecteur s’en occupait ; et bientôt une lettre de lui, avec en-tête de la questure du Corps législatif, informait l’heureux solliciteur de sa nomination.

En tout temps, M. Duffart était grand donneur d’eau bénite, mais en temps d’élections il se ruinait en promesses. Dans ce genre, il allait jusqu’à la farce énorme, jusqu’à la mystification. C’est ainsi qu’il avait promis aux habitants d’Auberoque, où