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de bon ton, soit qu’il s’agisse de fortune, de goûts, de modes ou de sentiments. Elle était d’une timidité un peu fière, mais on sentait que cette fierté n’était que la chaste réserve d’une âme qui veut garder pour le bien-aimé la virginité de ses pensées comme celle de son corps.

À quelques jours de là, le receveur était au jardin, assis sous l’amandier qui maintenant avait développé son feuillage et ses fruits, lorsqu’il entendit encore un bruit de voix dans la maison Desvars. Il distingua une voix d’homme forte et un peu rude, puis la voix musicale et inquiète de Michelette.

« Encore quelque créancier ! » pensa-t-il.

C’était bien cela, en effet. Après quelques instants d’un colloque assez animé, la jeune fille sortit, son mouchoir sur les yeux.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda vivement M. Lefrancq en s’approchant du mur de séparation.

Elle vint près de lui, et, tout bas, lui dit, comme honteuse :

— Monsieur Monturel envoie saisir pour les impôts…

— Ne vous désolez pas ainsi, pauvre enfant !… Dites à l’agent de venir me trouver.

Et M. Lefrancq rentra dans son bureau.

— Combien doit monsieur Desvars ? demanda-t-il au porteur de contraintes lorsque celui-ci fut là.

— Pour l’année dernière et les douzièmes échus