Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’étaient pas un théâtre digne de la femme supérieure qu’était madame Chaboin ; mais que, néanmoins, il mettait toute son influence, qui était grande dans le pays, sans fausse modestie, au service de ladite dame. Il eut le talent de persuader à son interlocutrice, en forçant un peu la note, qu’il était le membre influent du conseil municipal : le maire n’était que son homme, docilement mené par le secrétaire de la mairie, son ami à lui, Guérapin. Ainsi, sans descendre à des détails infiniment au-dessous d’elle, madame Chaboin serait par son intermédiaire la maîtresse incontestée de la commune et la personne influente de la contrée, où nul ne serait en état de lutter contre sa haute situation et son éminente personnalité.

« Voilà un homme intelligent », pensait madame Chaboin, d’autant plus agréablement chatouillée par ce mirage d’un grand rôle de châtelaine à jouer, que c’était précisément là sa pensée secrète et le rêve ambitieux de ses nuits.

Après cela, M. Guérapin entretint la dame de l’administration de la terre d’Auberoque, qui était médiocre pour ne pas dire plus. Par économie, le défunt marquis en avait abandonné le soin à son garde Goussard, qui n’y entendait rien, — sans parler du coulage, — en sorte que les revenus étaient inférieurs de vingt-cinq ou trente pour cent à ce qu’ils devaient être…