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en disaient autant pour se donner des airs d’avoir été distingués par la châtelaine : une femme aussi riche !… quel honneur !

En résumé, un seul visiteur sortit bien satisfait du château, c’était M. Guérapin, agent d’assurances et agent d’affaires. Ce personnage maigre et bilieux, quoique niais d’apparence, avait l’esprit très délié lorsqu’il s’agissait de ses intérêts. D’une intelligence ordinaire en ce qui était des idées générales et nulle en matière de sentiments, il poussait l’adresse jusqu’au génie lorsqu’il s’agissait d’une affaire qui le touchait, ou de la satisfaction de ses haines et de ses rancunes. Jaloux à l’excès de tous et de tout, il prétendait à la supériorité en toutes choses : ses terres valaient le double de celles de ses voisins ; son cheval était le plus vite ; son chien le mieux « racé », son fusil le meilleur et son coup d’œil le plus juste. Aussi avait-on coutume de dire ironiquement de lui, à Auberoque, que ses écus valaient plus que les pistoles des autres.

Depuis que, sans l’avoir jamais vue, madame Chaboin avait acquis la terre d’Auberoque à la barre du tribunal, M. Guérapin songeait à se faire une situation près d’elle. Tandis que les autres, fascinés par les millions, contemplaient en esprit la dame, bouche bée, l’agent d’affaires réfléchissait au moyen de se la rendre favorable. Il avait écrit, s’était renseigné, avait pris connaissance, par la Gazette des