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plus hardis échangeaient leurs suppositions à voix basse, car aucun d’eux n’eût osé, non pas critiquer ouvertement une femme aussi opulente, mais même épiloguer sur sa fugue. Du nombre de ces cachottiers était M. Reversac, qui prit le bras de John, son compagnon de noces, et lui dit dans le tuyau de l’oreille :

— Il y a une intrigue là-dessous !

— Ou quelque coup de Bourse…

M. Monturel père, lui, un peu énervé, lançait son pied en avant d’un mouvement plus saccadé que de coutume et grommelait intérieurement avec des gesticulations brusques.

La nouvelle de ce départ étrange se répandit rapidement dans le petit bourg, et, de huit jours, il ne fut question d’autre chose. Inutile de dire que les suppositions les plus fantastiques furent faites, en catimini, bien entendu. La vérité vraie était que madame Chaboin ne trouvait pas l’ameublement qui avait suffi à la dernière marquise d’Auberoque assez beau pour elle.

Après avoir fait expédier de Paris une quantité de caisses de meubles, d’objets d’art, de tentures, de tableaux, avec un tapissier pour leur placement et agencement, madame Chaboin alla passer une quinzaine de jours à Menton, puis revint inopinément à Auberoque, où un appartement complet et meublé tout à neuf l’attendait : chambre à coucher, cabinet