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bien y aller. J’ajoutai que j’aurais autant aimé rester au Frau avec lui maintenant.

— Plus tard, nous verrons, dit-il ; mais en attendant il te faut contenter ta mère ; la pauvre femme n’a plus que toi.

Le long du chemin, il me coupa un joli bâton dans une haie et il cheminait, l’arrangeant, tandis que j’étais sur la jument pour ménager un peu mes jambes.

Nous nous arrêtâmes au Cheval-Blanc, pour boire un coup. Quand ce fut fait, je pris mon petit paquet, mon bâton, et l’oncle vint me faire la conduite jusqu’à la sortie du bourg.

— Tu sais, mon fils, me dit-il en m’embrassant, si tu t’ennuyais trop, trop, là-bas, fais-le-moi savoir. Au Frau, tu seras toujours chez toi. Allons, adieu, porte-toi bien, et bonjour à ta mère.

Je marchais bien en ce temps, et je ne mis guère que trois heures, pour faire les cinq lieues qu’on compte de Savignac à Périgueux.

Ma mère fut bien contente de me voir. M. Masfrangeas était venu dans la journée, et lui avait dit de m’envoyer le lendemain. Pendant que j’étais au Frau, la pauvre femme avait préparé toutes mes affaires : ayant soupé, je me couchai et après avoir un peu pensé à la nouvelle vie qui m’attendait, je m’endormis.

Le lendemain, mieux habillé que de coutume, je passai chercher M. Masfrangeas et nous voilà partis pour la Préfecture.

La Préfecture ! ce nom m’imposait, mais je fus bien vite rassuré, car en entrant dans le bureau j’en eus de suite une idée assez piètre. Ce bureau était une grande pièce sale, enfumée, avec des casiers montant jusqu’au plafond jauni et crevassé. Tous ces casiers étaient bourrés de cartons et de papiers, qui répandaient cette odeur particulière aux vieilles paperasses, odeur désagréable à laquelle je n’ai