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mandait de rentrer ; c’était le postillon de la voiture qui avait fait la commission.

J’allai donc bientôt à Puygolfier pour dire adieu à la demoiselle. C’était un samedi, M. Silain était allé au marché de Thiviers ; je la trouvai seule dans la cour et je lui dis qu’il me fallait m’en retourner à Périgueux, et que cela me faisait grand deuil de ne plus la voir. Et à mesure que je lui expliquais tout naïvement que maintenant je regrettais de quitter le moulin, parce qu’à Périgueux je serais loin d’elle et que peut-être, quand je reviendrais, elle serait mariée ; je me sentais prêt à pleurer.

— Pauvre enfant ! dit-elle en me faisant asseoir près d’elle, n’aie crainte va, tu me retrouveras toujours ; qui aurait soin de mon père si je n’y étais pas ?

Et puis elle m’arraisonna, disant qu’il fallait bien prendre un état, et que puisque ça convenait à ma mère, il fallait entrer à la Préfecture et bien travailler ; que d’ailleurs Périgueux n’était pas au bout du monde, et que je pourrais venir les jours de fête.

Cette espérance me consola un peu et alors je pris du courage pour le départ. Elle m’accompagna jusqu’au bout de l’allée de noyers, et quand nous fûmes là, elle m’embrassa sur les deux joues, comme si j’avais encore eu six ou sept ans, et s’en retourna lentement vers le château. Moi je descendais le chemin, la suivant des yeux. Au moment d’entrer dans la cour, elle se retourna : je levai ma casquette, elle me fit un signe d’adieu et la porte se referma.

Le lendemain mon oncle m’accompagna jusqu’à Savignac avec la jument. Tout en marchant, il me parla de ce que j’allais faire, et me dit que puisque c’était décidé, il fallait m’y mettre tout de bon et tâcher de faire quelque chose.

Moi, je lui dis que je ne tenais pas autrement à travailler à la Préfecture ; mais que, puisque ma mère avait arrangé ça avec M. Masfrangeas, il me fallait