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nards, dindons ; le gibier qu’il tuait, et le poisson, les légumes, les champignons et les truffes, qu’il avait pour ainsi parler sous la main. Les truffes surtout, car le puy qui, de dessous la terrasse, dévalait à la plaine, était couvert d’un bois de chênes clair-semés, où on en trouvait beaucoup. Avec cela, sa bonne jument limousine blanc-truité, sept ou neuf chiens courants, car en cette affaire, il avait la superstition des nombres impairs, et cela lui suffisait ; pourvu, bien entendu, qu’il eût les goussets garnis quand il allait chasser au loin, soit à Jumilhac, soit dans le Limousin, soit dans la forêt de Born ou ailleurs. Il lui fallait aussi quelques louis pour aller faire ses petites tournées à Périgueux le mercredi, ou le jeudi à Excideuil et quelquefois le samedi à Thiviers.

Les ressources en nature de la terre de Puygolfier auraient été suffisantes pour lui assurer une bonne existence chez lui ; mais c’était l’argent, c’était les écus pour le dehors, qu’il était difficile de trouver, car la plus grande part des revenus se mangeait, sur place, et ce qu’on vendait de blé, de vin, ou le profit des bestiaux, passait à payer la taille et les réparations. Cependant, il lui en fallait pour solder les hôteliers, dans ses expéditions, sans compter que le soir après souper, ces messieurs faisaient une petite bête hombrée, assez chaude parfois à ce qu’on racontait.

Aussi, de temps en temps, M. Silain vendait quelque lopin de son bien, et avançait une coupe de bois, en sorte que ses revenus allaient en diminuant. Mais il ne s’en inquiétait guère ; il était de cette race de bons vivants qui mangent bien, boivent sec, digèrent facilement, et, sans mauvaises intentions, font tranquillement le malheur de leurs proches, et ne s’en doutent même pas, loin d’avoir des remords, habitués qu’ils sont à tout rapporter à leur personne.

En me voyant grand et assez élancé, M. Silain me