Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

demoiselle l’embrassa encore, promit de revenir et nous repartîmes.

Il était déjà sur la brune lorsque nous fûmes à Puygolfier. Le souper fut vite prêt : une omelette à la vignette, et des bonnes rimottes de bouillie de maïs que la grande Mïette fricassa dans la poêle, là, devant nous. On ne faisait pas grande cuisine à Puygolfier, quand le monsieur n’y était pas. Je mangeai avec appétit et gaîté, et la demoiselle était heureuse, comme elle l’était toujours, après avoir fait du bien à quelqu’un.

Après souper, elle voulut me faire tâter de ses cerises à l’eau-de-vie. Et pour faire comme autrefois, lorsque j’étais tout petit, elle me les présentait comme on fait aux jeunes geais nouvellement dénichés, pour leur apprendre à manger. Elle riait de ce jeu qui m’amusait aussi, car en attrapant la cerise, je touchais quelquefois ses doigts de mes lèvres.

Sur le coup des neuf heures, je m’en redescendis au moulin bien content de ma journée.

Quel temps heureux ! mes journées se passaient en paix et tranquillité, dans ce recoin perdu du Périgord, au milieu d’une nature paysanne et forte. Il me semblait que cette terre couverte pour lors de moissons, me communiquait sa vie.

Je me levais de bonne heure le matin, et j’allais lever les verveux ou les cordes posés le soir ; ou bien, prenant le fusil de mon oncle, je m’en allais avec la Finette faire courir un lièvre. Cependant, je pensais toujours à la demoiselle Ponsie, et je cherchais toutes les occasions de retourner à Puygolfier, n’osant pas y aller de but en blanc, parce qu’il me semblait que tout le monde devinerait mes pensées. Je lui portais souvent du poisson qu’elle aimait beaucoup, lorsque j’avais pris quelque jolie perche au verveux, ou une truite en tirant l’épervier le soir au-dessous de l’écluse. D’autres fois, c’était une corde-