Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quand ce fut fait : Si tu veux, me dit la demoiselle Ponsie, nous irons à Prémilhac : j’ai des affaires à porter à la femme de notre ancien métayer des Boiges. La pauvre a un petit enfançon nouveau-né, et pas de langes, pas de brassières, pas de bourrasses, rien, ils sont si pauvres ! Je vais m’habiller, dis à la Mïette de mettre le panneau sur la bourrique.

Tandis qu’elle s’habillait, je renouvelai connaissance avec le salon à manger. Rien n’était changé : de chaque côté de la cheminée, de grands placards en noyer ; au milieu, la table ronde massive à pieds tournés ; autour, le long des murs tapissés d’un vieux papier imitant des boiseries, étaient rangées les chaises à dos façonné en forme de lyre. Au coin du foyer, un grand fauteuil à dos carré, recouvert d’une tapisserie assez fanée, où M. Silain, le père de la demoiselle, se reposait, après souper, d’une chasse fatigante. À l’autre bout du salon, en face de la cheminée, il y avait un grand buffet à dressoir, où se voyaient des restes d’un service d’ancienne porcelaine de Limoges, assiettes, plats, et des tasses à café en forme de gobelet, avec des filets d’or et des chiffres entrelacés.

Autour, étaient accrochées aux murs, dans des cadres à la dorure ternie, des gravures qui avaient fait le bonheur de mes premières années. Quand la demoiselle m’amenait au château, je les suivais une à une en montant sur les chaises pour mieux voir, et j’avais une réflexion pour chacune de ces images.

C’était d’abord un portrait en pied de Louis XVI, en manteau parsemé de fleurs de lys, et son bâton appuyé sur une table où était la couronne royale.

— Pourquoi, disais-je à la demoiselle, ce gros monsieur lève-t-il sa robe ; c’est-il pour montrer sa belle culotte ?

Et elle de rire.

En face, c’était Marie-Antoinette en robe de cour,