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Qu’elle était jolie avec son grand chapeau de paille fine, et sa figure rose encadrée de grappes de cheveux blonds annelés ! Elle était venue faire laver la lessive, et comme c’était l’heure du mérenda, elle voulait me faire manger des crêpes. La charrette qui avait porté le linge était là-bas le long du pré du moulin, et, sur les haies, le linge blanc séchait avec une bonne odeur d’eau de rivière. À l’ombre des peupliers, la servante de Puygolfier avait posé son lourd panier et sa grande pinte, et les lavandières étaient assises sur l’herbe. Ha ! les bonnes crêpes que c’était, et comme la demoiselle savait les replier joliment, après avoir épandu dessus de bon miel jaune qu’on prenait avec une cuiller dans un petit pot.

Après m’être bourré de crêpes, je m’endormis à l’ombre, et la demoiselle me mit sur la figure son voile vert, pour me garder des mouches.

Une autre fois, j’étais à cheval sur le mur de la cour, regardant dans le chemin, lorsque je la vis venir sur sa bourrique. Je m’encourus à son avance, et elle me fit grimper sur la pierre montoire du moulin et me prit en croupe, après avoir fait dire à chez nous, par Gustou, de ne pas s’inquiéter de moi. Nous voilà partis pour le Bois-du-Chat, à ramasser des marrons. À la montée des termes, elle descendait pour soulager la bourrique, et alors je passais devant et je tenais la bride, tout fier comme si c’eût été une chose difficile.

Dans le bissac attaché au panneau de la bourrique, il y avait des affaires pour la vieille Jeannillotte, qui demeurait dans une cabane en plein bois de châtaigniers. C’était une bien pauvre demeure : les murs étaient moitié en bois, moitié en pierres et elle était couverte de ces genêts sauvages dont on fait les balais chez nous. Le foyer avait pour chenets deux pierres, et il était éclairé par le jour qui venait