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ries qui nous viennent de nos anciens et leur ont servi.

La nuit était venue cependant. La Mondine alluma le chalel de cuivre et le pendit dans la cheminée à seule fin de voir au fricot. Puis elle mit la touaille, les assiettes, les cuillers d’étain, les fourchettes. Pour ce qui est des couteaux, dans nos pays, chacun a toujours le sien dans sa poche ; le couteau est inséparable de l’homme, et c’est la première chose que les droles demandent à leur père quand ils commencent à marcher.

Tout étant prêt, mon oncle prit une pinte et s’en fut tirer à boire. La Mondine sortit sur l’escalier et cria à Gustou, qui arriva un moment après sans se presser ; puis elle accrocha le chalel à une cannevelle encochée qui pendait du plancher du grenier, au-dessus de la table.

Mon oncle, comme le maître de la maison, était assis au bout de la table sur une chaise ; moi à sa droite, Gustou à sa gauche, sur les bancs, et la Mondine allant et venant :

— Tu vois, Hélie, dit-elle, je t’ai donné ton assiette.

C’était un beau coq, avec une superbe queue de toutes couleurs, que je voulais toujours avoir quand j’étais petit. C’est miracle que je ne l’aie jamais cassée.

Gustou mangeait sa soupe à l’ancienne mode avec sa cuiller et sa fourchette. Mon oncle avait perdu cette coutume au régiment, et moi à la ville. La Mondine, elle, avait l’habitude de manger debout en se promenant avec son assiette, allant de la table au foyer. Une habitude bien conservée, par exemple, c’est celle du chabrol ; chacun de nous avala sa pleine assiette de vin.

J’étais bien de goût de manger, ce voyage à cheval m’avait creusé, et puis en ce temps-là, je n’avais pas besoin de ça. Après avoir mangé la moitié de l’aile