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belles couleurs : du rouge, du jaune, du vert, du bleu. Les couleurs n’étaient pas toujours bien placées, mais que faisait cela.

Puis, dans le coin, la vieille pendule dans sa grande boîte de noyer, percée d’un rond vitré qui laissait voir le balancier battre lentement les secondes. Au mur étaient accrochés les chaudrons et les bassines de cuivre. Au milieu, la table massive avec une barre d’appui pour les pieds et ses deux bancs de chaque côté.

Je me levai et je fis le tour de la cuisine, reconnaissant tout ce mobilier campagnard : la chaise où j’avais mis mon nom en chicotant avec la pointe d’un couteau, et le crochet à peser pendu derrière la porte d’entrée. Je passe devant la porte de l’escalier du grenier avec son trou du chat, fermé par une planchette pendue à l’intérieur, au moyen d’une ficelle, et que nos chattes écartaient avec la patte pour passer. Puis voici les marmites, les tourtières, l’oulle aux châtaignes. Sur des planches sont les toupines de confit ; et le râtelier au pain, garni de tourtes, est au fond de la cuisine solidement attaché aux poutres. Aux poutres encore, pendent des quartiers de lard et aussi de la graisse pliée dans la toile du ventre, et posée sur des cercles en vimes suspendus comme des balances.

Je reviens vers la cheminée : au-dessus, au râtelier, le vieux fusil à pierre à un coup, avec lequel mon oncle ne manquait guère le lièvre, et puis une grande canardière dont le canon a bien cinq pieds de long.

Il y a quarante-cinq ans de ça ; mais je pourrais refaire l’inventaire, je crois qu’il n’y manquerait guère de choses. Mon grand-père reviendrait au monde, qu’il trouverait encore la plus grande partie des affaires qu’il y avait de son temps. Nous aimons beaucoup, chez nous, garder comme ça les vieille-