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chaient mon oncle et la Mondine, et de l’autre une grande plaisante chambre regardant sur la rivière et le moulin, avec deux lits à l’ange, où couchaient ceux qui venaient à la maison. Lorsqu’elle me vit entrer, la Mondine entortilla vitement la ficelle autour de la queue de la poêle qu’elle avait sur le feu, et vint m’embrasser à plusieurs fois en s’extasiant sur ma taille, ma force et ma bonne figure :

— Tu vas voir, mon petit Hélie, le souper sera bientôt prêt ; tourne-toi vers le feu.

— Ah ça, dit mon oncle en plaisantant, tu le prends donc pour un étranger, que tu fricasses là quelque chose ?

— J’avais fait de la soupe et des haricots, mais ça n’aurait pas de bon sens, vois-tu, Sicaire, de faire souper comme ça ce drole, pour le premier soir que le voilà chez lui.

— Comment, comment, chez lui ?

— Sans doute chez lui, le pauvret. À qui donc que tu laisseras ça tien, Sicaire ?

— Ha ! ha ! à ce compte-là, tu as raison, Mondine, il est bien chez lui.

— Oui, oui, j’ai raison, et je lui fais un bon petit saupiquet avec un quartier de dinde ; je sais qu’il l’aime, le pauvre drole.

Je m’étais assis dans le coin du feu pendant ce temps, quoiqu’il ne fît pas froid, au contraire ; mais c’est toujours bon de se mettre près du feu quand on a voyagé. Les pieds sur les grands landiers de fonte, je revoyais avec plaisir toutes les choses qui m’étaient connues dès l’enfance. C’était la maie avec son couvercle, le vieux buffet et son vaissellier au-dessus, où on voyait bien rangée d’ancienne vaisselle d’étain, puis des plats et des assiettes de faïence, rondes ou découpées à pans, avec des fleurs comme on n’en a jamais vu, et des coqs superbes, portraiturés comme ceux que je faisais sur mes cahiers, mais avec de si