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casser tout ça à Paris ou à Versailles. Aussi les pauvres diables de leurs terres crevaient de faim.

— Tiens, dit mon oncle en étendant le bras sur la droite ; tu vois ce village ? C’est Fazillac, c’est de là que le conventionnel Roux-Fazillac tenait son nom. Il est un de ceux qui nous ont aidés à sortir de cette misère. Malheureusement depuis, les bourgeois que le peuple a aidés à faire la Révolution, une fois établis dans les châteaux, enrichis par les biens nationaux, se sont mis du côté des nobles et sont aussi durs pour le peuple que les anciens seigneurs : il y en a quelques-uns qui sont restés avec nous, mais guère.

Ils ont changé le système ; ce n’est plus la noblesse qui est dominante, mais la richesse. Il faut payer tant pour faire les lois, tant pour nommer ceux qui les font.

Quant au peuple, il est toujours esclave. Comme on a fait accroire aux gens que tous sont égaux, il n’y a pas moyen de rétablir les privilèges pour la bourgeoisie : alors, qu’est-ce qu’ils font ? Sous la couleur d’un impôt, ces bons messieurs empêchent de chasser tous ceux qui n’ont pas vingt-cinq francs à leur donner, et voilà comment il n’y a plus de privilèges.

Tout en parlant ainsi, nous arrivons à la Croze, puis à Chaumont. Les chemins étaient mauvais comme partout ; je conviens que c’était ennuyeux, mais on en avait plus de plaisir d’arriver. À la Pouge, nous prenons un petit chemin qui va au Frau.

Au bout d’un moment nous arrivons. Le moulin est sur la gauche et la maison à quarante pas sur la droite, un peu élevée sur le terme. Mon oncle envoie à ce moment deux ou trois coups de fouet à toute volée, et voici la Finette, notre chienne courante, qui s’en galope vers nous, en jappant de sa voix forte et les tétines pendantes, car elle nourrissait. La vieille Mondine sort sous l’auvent de l’escalier, avec sa