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jours dans le coin du feu une soupière qui se tenait au chaud.

Le vieux Puyadou sortit vers moi avec son bonnet de coton un peu jaune et ses sabots :

— Donne-moi tes bêtes et entre, je vais les attacher.

Lorsque j’entrai, la vieille qui pesait le tabac, et faisait le poids pincée par pincée, s’écria :

— Ha ! mon pauvre, comme il a grandi ton neveu !

— La mauvaise herbe croît vite, dit mon oncle en riant.

— Oh ! Je suis sûre, dit la Puyadoune, que ce n’est pas un méchant garçon ; d’ailleurs il ne tiendrait pas de son pauvre père.

Tous ces témoignages d’estime qui me revenaient sur mon défunt père, me faisaient bien content, et aujourd’hui encore, après bien des années, je n’y pense pas sans plaisir.

Ayant pesé le tabac, la vieille mit la soupière sur la table et nous convia à nous servir. L’oncle prit une pleine cuiller de soupe, histoire de réchauffer l’assiette et m’en donna autant. Après que nous eûmes fini, le père Puyadou, avec une grande pinte, nous remplit notre assiette de vin. Là ! là ! disait mon oncle, mais l’autre versait toujours.

— Ah ! par ma foi, dit la vieille, pour faire un bon chabrol il faut que la cuiller baigne : et puis vous n’êtes pas encore au Frau.

— Il nous faut une grosse heure, dit mon oncle. Et votre Jeantain n’est pas encore rentré ?

— Oh ! il viendra demain matin sur le coup de onze heures ou midi. C’est lui qui ferme toutes les foires.

— Je l’ai vu en passant dans la rue Limogeanne devant chez Guillaumin ; mais il y avait beaucoup de monde ; je ne lui ai pas parlé.

— Oui ; il avait pas mal d’affaires à prendre : un