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à la rencontre de l’Haut-Vézère et de l’Isle, qu’était la villa de Boulogne dont parlent nos anciens.

Quel beau pays, et quel plaisir de voyager ainsi. Nos bêtes s’en allaient tranquillement ; mon oncle devisait de choses et d’autres, et moi je l’écoutais comme un oracle. En passant le long du parc des Bories que ce vieux original de marquis de Saint-Astier vient de donner, avec le château et la terre, au petit-fils de Louis-Philippe, qui en avait bien besoin, le pauvre homme ! l’oncle coupa une branche pour émoucher sa mule que les taons tracassaient. Le temps était beau, le soleil chaud déjà, mais l’air frais, et un bon petit vent mouvait les blés dans la plaine comme les vagues d’un lac.

Au beau milieu d’une terre, sans jardin ni arbres autour, voici une grande maison isolée. Les contrevents sont fermés et à moitié pourris. Les ardoises sont pleines de mousse, les murs sont noirs et sales.

— Voilà la maison du Diable ! dis-je.

Mon oncle se mit à rire, et me raconta qu’on avait été obligé d’abandonner cette maison, parce qu’il y revenait. Des fantômes, sur le coup de minuit, descendaient les escaliers avec des bruits de chaînes. Il y avait pourtant des gens crânes qui avaient essayé d’y habiter. Le dernier, c’était un capitaine en retraite qui n’avait peur de rien, comme un homme qui avait sauvé sa peau de la retraite de Russie. Il s’était fait arranger une chambre, et la première nuit, s’était enfermé tout seul dans la maison. En se couchant, il avait mis ses pistolets sur une table à côté de son lit, et son sabre sous son traversin. Comme c’était un crâne homme, je l’ai dit, il s’endormit tranquillement en attendant les revenants.

À minuit, il est réveillé par un pas lourd qui marchait dans le grenier. Il allume sa chandelle, se lève,