Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nacher, et cela fait vitement, car les bastines ça va à toutes les bêtes, revenir prendre la jument. Enfin, la dépense d’écuriage étant payée, avec une bonne étrenne pour le garçon, me voilà grimpé sur la Grise. L’oncle me raccourcit les étriers, saute sur la mule, et nous voilà partis.

De crainte que tout ce tapage des baraques ne fît peur à la jeune mule, mon oncle aima mieux passer par le quartier bas de la ville. Devant la Préfecture, il dit : À cette heure, Masfrangeas doit être à son bureau. Ça l’a ennuyé de nous quitter comme ça sitôt, je l’ai bien connu. Il aurait mieux aimé être aux luttes de Poncet, que d’aller voir des assassins avec des figures de cire.

En suivant la rue du Gravier, une femme, avec un foulard jaune sur la tête, et des accroche-cœurs d’un noir luisant, nous cria de sa fenêtre comme une effrontée :

— Hé ! meunier, il y a de la mouture à prendre ici !

— Alors ça sera pour une autre fois, dit mon oncle sans se retourner.

— Est-ce que tu la connais, oncle ? dis-je dans mon innocence.

— Non, mon fils, c’est une folle qui crie comme ça à tous ceux qui passent.

Nous voici devant le vieux moulin de Saint-Front ; puis nous traversons la descente du Grelle qui va au Pont-Vieux ; nous attrapons la rue du Port-de-Graule, et nous voilà hors de la ville sous la terrasse de Tourny. Il reste à passer les tanneries de l’Arsault qui puent fort, et nous sommes en pleine campagne.

Les montures bien soignées, marchent d’un bon pas, et le chemin se fait. Voici Trélissac et la maison de M. Magne, bien petite et simple à côté du château d’aujourd’hui. Puis c’est le petit castel de Trigonant et Antonne, et au-delà de l’Isle, Escoire avec sa façade blanche et le pont nouvellement fini. C’est près de là,