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le maquignon demanda encore quarante sous pour le licol : il avait vendu la bête, mais pas le licol ! Mais mon oncle se mit à rire, et se leva après avoir trinqué encore un coup.

La mule fut amenée à l’écurie auprès de la jument. Les deux bêtes furent bien soignées et après il fallut aller déjeuner.

En passant dans la rue Taillefer, mon oncle s’arrêta chez Coustou pour une casquette.

M. Coustou était un grand, gros, bel homme, qui était canonnier dans la garde nationale. Je ne sais pas si ça venait du canon, mais il était sourd comme un pot. Comme les gens sont sans pitié pour les infirmités des autres, on racontait qu’un jour de fête, étant près de la pièce et regardant d’un autre côté, il ne s’était pas aperçu que le coup était parti, et avait demandé au porte-lance :

— Ça a craqué, petit ?

Mon oncle lui cria :

— C’est pour une casquette !

— Ah, bien !

Et il alla chercher un chapeau à grands rebords.

— Non ! une casquette ! une casquette de meunier !

— Ah ! diantre !

Et M. Coustou ayant enfin entendu, ou plutôt guidé par le doigt de mon oncle, qui lui montrait les objets à travers les vitrines, mit sur le comptoir des casquettes en drap blanc. L’oncle en choisit une semblable de forme à celle de Louis XI, dans les petites histoires de France des écoles de ce temps-là.

— Ça va bien, dit-il, pour rabattre sur les oreilles, quand on va à l’affût des canards.

Après déjeuner, ma mère me remit mon petit paquet avec force recommandations. Puis l’ayant embrassée tous les deux, nous fûmes à l’écurie, où mon paquet fut attaché derrière la selle. Il fallut après mener la mule chez Lanusse pour la faire har-