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prend de voir encore des royalistes, des bonapartistes, des orléanistes, des carlistes, des Louis-dix-septistes, des républicains, enfin des braves gens de toute couleur et de toute opinion, s’attraper aux cheveux à propos de personnes et de choses prêtes à disparaître. Hé ! Messieurs, ce n’est plus le temps de disputer sur l’étiquette et les préséances ; sur le traité d’Utrecht, le droit divin ou les Constitutions défuntes ; c’est vers l’avenir qu’il faut regarder. Moi je chevauche mieux ma mule que la bourrique de Balaam, pourtant il me semble qu’une rénovation sociale germe dans les esprits. Les ouvriers de terre, métayers, bordiers, tierceurs, journaliers, domestiques, commencent à réfléchir sur l’arrangement présent des choses, et ils font des comparaisons qui leur donnent fort à penser. C’est pourquoi, il serait juste et sage de faciliter au paysan son accession à la propriété ; car, quoique je ne sois qu’un pauvre oison, il me tombe quelquefois dans l’idée, que cette grosse boule de terre grise sur laquelle nous vivons n’a pas été pétrie et lancée dans l’espace à raison de vingt-sept mille lieues à l’heure, pour que ceux-là dont je parle, qui font métier de travailler la terre, précisément n’en aient pas une picotinée. Je me figure qu’ils auraient droit à une petite part pour cela seul qu’ils sont hommes.

On a formé des sociétés pour aider aux ouvriers de l’industrie à acquérir des maisons payées par termes annuels dans de bonnes conditions. Qui ferait ça pour les pauvres Jacques-sans-terre ; qui leur procurerait les moyens de devenir petits propriétaires, en attendant mieux, ferait une grande chose, une très grande chose.

Mais que ça arrive ainsi, ou autrement, comme il est d’un intérêt vital pour le pays, que le paysan mercenaire soit fixé au sol par la propriété, et qu’ainsi s’achève la conquête de la terre française par sa