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Empire : — Aouro n’en fan paillado ! — ce qui veut dire : Maintenant on en fait litière !

Mais ce n’est pas fini. Après toutes ces décorations, il y a encore des médailles d’honneur de tous les genres, de toutes les classes, de tous les calibres et de tous les métaux ; des diplômes d’honneur aussi, des mentions honorables ; — que d’honorabilité ! — des témoignages de satisfaction, des félicitations officielles, est-ce que je sais ! Il semble que nous soyons, non pas des citoyens, des hommes libres, mais des écoliers à qui on distribue des récompenses, s’ils sont bien sages.

On me croira si on veut, mais moi je préfère à toutes ces simagrées monarchiques, à toutes ces croix, à toutes ces médailles, le franc-parler et la rude égalité républicaine de Quatre-vingt-treize, et les épaulettes de laine des généraux, et la cocarde au bonnet de la Liberté : oui, je regrette les caractères fiers et les cœurs hautains, et la saine rusticité de ceux de cette époque.

À force de nous vouloir adoucir et polir, on nous a amollis, pauvres gens, et nous ne sommes plus que des chiffes. Nous n’avons plus cette haine farouche de nos anciens, pour l’intrigue, la sujétion, les usages du beau monde et l’esprit courtisan : nous nous laissons piper par des paroles, et attacher avec des rubans.

Il me peine fort de voir qu’au lieu de tâcher de faire passer la mode de toutes les distinctions et décorations ; qu’au lieu de nous dététiner tout bellement des croix et des médailles, on les a prodiguées, et, par-dessus le marché, on a inventé un tas d’engins décoratoires : J’ai ça sur l’estomac.

Enfin, c’est comme ça et mes jérémiades n’y font rien. Pourtant, ça m’étonne quand j’y pense, de voir des gens sérieux s’amuser à ces choses-là, dans le temps où nous sommes ; de même que ça me sur-