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et en même temps ils soulageraient les travailleurs des villes auxquels ils font une concurrence qui est la misère pour tous.

Oui, ça serait une bonne chose de dégager un peu les villes. Il y en a qui se carrent de ce que Périgueux a augmenté de vingt mille habitants depuis cinquante ou soixante ans, et qui sont tout fiers de ce que Paris en a tout près de deux millions cinq cent mille ; moi pas. Ces gros rassemblements d’hommes ne me disent rien de bon ; c’est dans les campagnes que je voudrais voir s’accroître la population. Deux millions cinq cent mille habitants à Paris, le quinzième de la population totale du pays, c’est comme si la France avait un érysipèle à la tête : aussi Paris a-t-il toujours un peu la fièvre, — et nous la donne-t-il quelquefois.

Mais s’il y a à faire, il y a à défaire aussi. Beaucoup d’anciennes lois devraient être abolies, comme qui sarcle la mauvaise herbe dans un champ de blé. De les dire toutes, ça serait long, car déjà toutes ont été faites dans un esprit qui n’est plus celui d’aujourd’hui, et par des gens qui n’étaient pas trop amis du peuple. Il y en a de ces lois qu’il faudrait retourner de fond en cime, comme une peau de lièvre, pour en tirer quelque chose de bon ; et encore je ne sais.

Mais les lois ça n’est pas tout. Ce que je voudrais bien voir changer aussi, c’est nos usages civiques, nos habitudes politiques, nos mœurs publiques. Ou bien on s’insulte à plate couture, on s’agonise de sottises, ou bien on s’accable de politesses affectées, de compliments à n’en plus finir. Ça se voit dans les journaux ; jamais on ne s’est tant servi de toutes les expressions de flagornerie monarchique que maintenant. Nos députés se traitent d’honorables, gros comme le bras, comme s’il était besoin de constater ça à chaque instant. Qu’est-ce que je dis ? on n’ose plus mentionner publiquement un brave conseiller