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de Sedan : voilà tout en gros ; et, entre ces événements, que de choses tristes j’ai vues ! que de misères le peuple a supportées ! Aujourd’hui, après avoir passé par les étamines de l’ordre moral, et s’être tirée heureusement des coupe-gorge monarchistes, la République est sauvée : c’est beaucoup pour ceux qui ont vu les tristes temps de Charles X, de Louis-Philippe et de Bonaparte, mais ce n’est pas tout.

On a fait déjà quelques bonnes lois, mais il en reste pas mal à faire, pour protéger le travail et les petits ; elles se feront sans doute, mais il faudrait se presser, ceux qui souffrent sont impatients, ça se comprend. Une des premières que je voudrais voir mettre sur le chantier, c’est celle qui, à l’avenir, soustrairait à l’hypothèque la maison du paysan. Il faudrait que cette maison, le jardin et un morceau d’enclos, ayant été constitués insaisissables, fussent toujours francs et libres ; que le propriétaire ne pût emprunter dessus, et par ainsi qu’un créancier ne pût les faire vendre pour dettes. De cette manière, la famille, les petits droles auraient toujours un abri. Nos hommes sont tellement vaillants, qu’avec cette loi, solidement plantés sur leur peu de terre, comme nos chênes, ceux qui auraient été malheureux se relèveraient. Comme ça, on ne verrait pas des troupes de pauvres gens qui ne demandent qu’à travailler, jetés hors de chez eux, prendre le bissac et se disperser de çà, de là, et souventes fois mal tourner par suite de la misère.

Mon gendre m’a dit avoir vu dans le journal, il y a quelque temps, qu’une loi dans ce genre existe en Amérique, et qu’un député de la Seine, avocat distingué, en avait proposé une semblable à la Chambre. Ça me fait plaisir de me rencontrer, moi pauvre meunier, avec un monsieur aussi haut placé ; et ça me console un peu de ce que quelques amis se sont tout doucettement gaussés de moi à cette occasion.