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Ainsi parla Fournier. Tandis qu’il était là, debout, les yeux enflambés de lueurs, les gens le regardaient fixement, tout saisis. Ses paroles simples et mâles leur répondaient dans le creux de l’estomac. Pour beaucoup il disait des choses nouvelles et dures peut-être, car on ne déracine pas en un jour l’égoïsme et l’esprit de sujétion dans lesquels les anciens gouvernements ont entretenu le peuple pour le dominer. On voyait bien cependant que les plus arriérés, les plus durs, étaient attrapés par la beauté sévère de ce prêche civique. Le fond du paysan est bon, et s’il est encore en retard sur des choses, ça n’est pas sa faute, c’est son malheur ; mais patience, avant peu, il sera la véritable force du pays, en tout et pour tout.

Lorsque Fournier eut fini de parler, il prit une poignée de terre et la jeta sur la caisse en disant : — Adieu Nogaret ! tu as bien vécu, repose en paix ! Et nous autres après, nous fîmes comme lui : — Adieu, oncle, adieu ! Puis tous les hommes qui étaient là vinrent aussi jeter un peu de terre sur le cercueil, tandis que les femmes à genoux parmi les tombes, dans les hautes herbes, faisaient une prière, ou disaient un chapelet pour le vieux Nogaret.