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« Peut-être, citoyens, notre hommage suprême s’adresse-t-il moins au prisonnier de Décembre, au bon citoyen, qu’à l’honnête homme, au voisin obligeant ; cela se peut. Notre éducation civique a été mal faite ; la noble indépendance de nos pères de la Révolution a été ridiculisée ; leur désintéressement oublié ; leur héroïsme bafoué ; leur simplicité égalitaire taxée de grossièreté ; enfin le souvenir des grandes actions de la génération révolutionnaire tant calomniée, s’est perdu, obscurci et étouffé par les gouvernements qui se sont succédé et les prêtres, leurs complices ; aux tyrans, il faut des sujets et non des citoyens.

« Mais il faut nous relever, mes chers amis. Que la vie de Nogaret nous enseigne. Il ne s’est pas contenté d’être un homme probe et juste, il a encore été un citoyen courageux. Il n’a jamais oublié dans le cours de sa longue vie, qu’à côté des devoirs de l’homme envers ses proches, envers ses voisins, devoirs d’humanité et de fraternité, il y a d’autres devoirs essentiels à remplir, qui sont ceux du patriote et du bon citoyen. Il s’est toujours souvenu que l’intérêt privé disparaît devant l’intérêt général : avant lui, sa famille, avant sa famille, la Patrie ! Cette grandeur de sentiments s’est affirmée il y a quelques années d’une façon éclatante : on lui proposait de lui faire donner une pension comme victime du Deux-Décembre ; il répondit : — Je suis content d’avoir souffert gratis pour la République !

« Tel Nogaret s’est montré dans cette circonstance, tel il a vécu, tel il a été jusqu’à la fin. C’est aux accents de la Marseillaise qu’il s’est endormi du dernier sommeil.

« Citoyens ! que cette vie nous soit en exemple ; que la foi républicaine dans laquelle Nogaret a vécu, et dans laquelle il est mort, nous soutienne jusqu’à notre dernière heure ; et puissions-nous mourir comme lui dans la communion de la Famille et de la Patrie ! »