Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

serra peu à peu ses bras terribles, et finit par le tenir étroitement serré contre lui. L’autre, mâché par ces bras noueux durs comme des câbles, se laissa étreindre davantage, et tous ses efforts pour reprendre un peu de liberté furent inutiles.

Lorsque Poncet le tint bouclé, serré à en perdre haleine, il le porta à gauche, à droite comme un arbre que le vent va déraciner, augmentant à mesure ce balancement, et finalement par un effort vigoureux, l’enleva et le coucha à terre.

Si l’on claqua des mains, si on cria : Bravo ! vive Poncet ! point n’est besoin de le dire. Tous les gens qui étaient là, braillaient, grisés par la victoire du Périgordin. Lui, cependant, le maître de tous, s’essuyait le front avec son bras, et reprenait haleine. Mon oncle ayant empoché ses quatre écus, lui criait d’aller se vêtir.

Poncet leva la main et dit :

— Ce matin, j’avais fantaisie de lutter avec tous, mais à cette heure, je suis fatigué. D’ailleurs il ne reste plus que le patron, qui est mon ancien camarade Jeanty, et je vous dirai bonnement que quand nous étions encore des droles, et que nous luttions pour nous exercer sur la promenade où on fait des cordes, là-bas à Excideuil, il me couchait toujours. De longtemps donc il est mon maître, il n’est besoin de le montrer, je le reconnais.

Personne ne fut pris à cette défaite, on se mit à rire, et le Canau vint secouer la main de Poncet, pour lui marquer qu’il le comprenait bien, après quoi le meunier alla s’habiller derrière le rideau, dans le coin.

Cependant tout le monde s’écoulait, et en s’en allant, il y en avait qui disaient :

— C’est bien dommage que M. Savy ne se soit pas trouvé là.

Quand tout le monde fut sorti, Jeanty passa un