Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/417

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tuer de sang-froid deux cent soixante paysans, après les y avoir gardés tout un jour !

Qu’a fait de plus le féroce Montluc, le Boucher catholique ? Qu’on nous laisse donc tranquilles avec ce brigand hypocrite, sa barbe blanche et son cadavre jeté par la fenêtre. Gardons notre compassion pour ses malheureuses victimes, pour ces deux cent soixante compatriotes, parmi lesquels nous avions peut-être des ancêtres !

À propos de ces rois qui font si bonne figure dans certains livres, je me souviens qu’un dimanche sur la place, il nous fit bien rire. Voyez-vous, qu’il faisait, quand on regarde de près notre histoire, on est de l’avis de ce Dauphin qui disait à son précepteur : mais, père Corbin, dans tous ces rois de France, je n’en vois aucun de bon !

Quand la question du régent, ou plutôt de l’instituteur, car moi je parle à l’ancienne mode, fut réglée, Fournier s’occupa de l’école et des chemins. Il fallut emprunter pour ça, mais quand on vit de belles salles de classe où les enfants étaient à l’aise, et les chemins bien arrangés et réparés, les gens dirent : à la bonne heure ; nous voyons maintenant que notre argent est bien employé.

On pense bien qu’au Frau nous étions contents de voir les choses marcher comme ça, et d’autant plus que c’était notre gendre qui faisait tout. On ne pouvait pas dire que nous avions les préférences, puisque notre chemin avait été radoubé le dernier, et on ne pouvait pas dire non plus que nous cherchions à nous faufiler partout, puisque nous n’étions rien. Mon oncle avait depuis quelques années renoncé à être du Conseil, disant qu’il fallait faire place aux jeunes, et moi je ne pouvais pas en être, puisque mon gendre en était.

Je me trouvais donc heureux, car chez nous c’était comme dans la commune, tout marchait bien. Les