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Ķquand il y était, il faisait faire plus de prières et chanter de cantiques qu’il ne donnait de leçons. Fournier, ne voulant pas le faire partir sans le prévenir, lui dit de demander son changement, ce qu’il fit, et on l’envoya dans le Sarladais, par là du côté de Nadaillac-le-Sec, où il y a plus de rapiettes que de lièvres.

Quand M. Malaroche sut ce qui se passait, il vint trouver Fournier pour revenir chez nous, ce qui eut lieu, parce que mon gendre le demanda expressément.

Moi, je n’y connais pas grand’chose, mais il me semblait que M. Malaroche était un bon maître. Lorsqu’il n’eut plus peur de perdre le pain de sa famille, comme du temps de Lacaud, il fut à son aise pour enseigner aux enfants la bonne morale civique : leurs devoirs envers le pays et envers leurs camarades ; pour leur apprendre l’histoire du peuple, et des paysans surtout, qui était totalement ignorée, vu que les historiens, presque tous jusqu’à nos jours, n’ont eu souci que des rois et des grands personnages. Pourtant, pour nous autres paysans, c’est plus attachant de connaître la condition de nos pères aux différentes époques, que de savoir ce qui se passait à la cour. Comme disait M. Malaroche, quand on voit ça de près, il se trouve que sous les apparences de prospérité dont parlent les flatteurs qui écrivaient jadis l’histoire des rois, la misère des peuples était grande. Les fêtes royales et les habits dorés des seigneurs faisaient trop oublier les guenilles et la vie misérable des paysans. Par exemple, disait-il, on n’a jamais rien vu de plus beau que la cour de Louis XIV, et rien de plus minable que le peuple de son temps, surtout vers la fin de son règne. Et c’est bien vrai ça, car dans les papiers venant de Puygolfier, Fournier avait trouvé des choses bien curieuses et bien tristes, qui faisaient toucher du doigt et voir à l’œil l’état