Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/411

Cette page a été validée par deux contributeurs.

grand bruit. Quand elle vit le poisson, elle dit : — Ha ! le Monsieur sera content. Donnez-le vitement que je l’appareille, et en attendant, tournez vous autres vers le feu.

Au bout d’un bon moment, M. Vigier, qui était dans l’étude parlant avec des gens, vint avec Girou :

— Ha ! Ha ! vous êtes de parole, Nogaret ; et comment que ça va ? fit-il en me secouant la main.

— Ça va assez, merci, monsieur Vigier, et vous aussi ?

— Ça ne va pas trop mal pour mes soixante-dix ans ; je n’ai pas à me plaindre pourvu que ça dure. Ha ! vous avez porté du poisson ; c’est une bonne idée : vous allez voir, dans une petite minute nous déjeunerons. Girou, va-t-en tirer à boire, et toi, Poulette, trempe la soupe.

Nous déjeunâmes tous quatre seulement, M. Vigier, Girou et nous deux. Mme  Vigier était morte depuis une quinzaine d’années, et, de deux enfants qu’il avait, sa fille était mariée à Lanouaille, et le fils était à Paris, soi-disant pour se faire recevoir avocat ; mais il y mettait le temps, car il y avait dix ans qu’il y était, et on disait qu’il avait cassé déjà beaucoup de pièces de cent sous à son père, qui ne parlait guère de lui, tant ça lui faisait de peine.

Après déjeuner nous sortîmes sur la place, et M. Vigier, avisant trois filles qui se promenaient, les arrêta.

— Voyons, laquelle de vous autres qui veut se marier ?

— Mais toutes trois ! monsieur Vigier, répondit une grosse délurée, et elles se mirent à rire.

— Oui, c’est entendu ; mais il faut passer par rang d’ancienneté : voyons, quel âge avez-vous, vous autres ?

Quand elles eurent dit leur âge :