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malheureuse. Voilà-t-il pas que vingt-quatre ans après la mort de son père M. Silain, on venait lui réclamer encore une de ses dettes ! Un des anciens camarades de chasse, un ami du défunt, peu avant sa mort, lui avait prêté cent pistoles sur son billet. Cet ami n’avait jamais rien demandé à la demoiselle, ni capital, ni intérêts, sachant bien que la pauvre n’avait plus que juste de quoi vivre bien petitement. Tant qu’il avait vécu, il n’en avait pas parlé, se pensant en lui-même que c’était autant de perdu. Mais à sa mort, son gendre qui n’était déjà pas trop content, vu que l’héritage n’était pas aussi fort qu’il croyait, trouva le billet dans les papiers de son beau-père et le fit présenter à la demoiselle Ponsie. Elle venait donc chez nous pour se consulter à Fournier. Lui, dit d’abord que le billet était bien bon et valable, et que les intérêts étaient dus de vingt-cinq ans, mais qu’on ne pouvait lui en faire payer plus de cinq années. À cela elle répondit que, quand elle devrait aller à l’hospice, elle voulait tout payer, quitte à vendre le peu qui lui restait.

Mais ça n’était rien de bien facile que de vendre ce peu. Du côté du moulin nous la confrontions partout, mais nous n’étions pas en fonds pour acheter, surtout quelque chose qui ne nous faisait pas besoin. De l’autre côté, c’était une ancienne métairie du château, que le père de Fournier avait achetée il y avait trente-cinq ans de ça. Du côté d’en haut, c’était des bois qui appartenaient à des propriétaires assez éloignés. Fournier était donc le seul qui pût acheter, mais ça ne lui était pas bien utile. Ce qui restait, valait peut-être bien dans les cinq ou six mille francs ; je parle des fonds, car pour les bâtiments du château, ils n’avaient pas de valeur pour si peu de bien ; c’était une charge au contraire, à cause des impôts et de l’entretien.

La pauvre demoiselle se lamentait tant d’être dans