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mandée, elle me regarda, ne sachant que croire, et fut tout inquiète. Mais sa mère la confessa sans peine, et elle nous avoua bonnement qu’elle avait pensé à notre voisin de la Fayardie, depuis le jour où elle lui avait ouï raconter pourquoi il avait quitté son état d’avocat.

Et alors, je vins à me rappeler comme ce jour-là elle levait les yeux sur lui, en même temps que sa mère, lorsqu’il disait quelque chose qui annonçait la droiture de sa conscience, et je pensai en moi-même : telle mère, telle fille ; il pouvait plus mal choisir.

— Hé bien, ma drole, lui dis-je au bout d’un instant, alors ça tombe bien : c’est lui qui t’a demandée, et il viendra un de ces soirs savoir la réponse ; qu’est-ce qu’il faudra lui dire ?

— Que oui, dit-elle bravement, et là-dessus, elle fut embrasser sa mère.

Le lendemain Fournier vint, et fut bien content de savoir qu’il était accepté. Pour dire le vrai, je pense qu’il devait bien s’en douter, car un jeune homme qui a un peu d’habitude de la vie, connaît facilement si une fille l’aime, et il avait bien dû le voir. Je n’étais pas au Frau dans le moment, ni Hélie ; il n’y avait que mon oncle et nos femmes, de manière que Fournier resta souper, pour me voir à ce qu’il disait, mais je pense plutôt, pour être avec sa promise.

Quand je revins sur les trois heures, il me le dit, mais je me mis à rire et je lui répondis :

— À cette heure, je vois que vous avez bien fait de laisser l’avocasserie ; vous avez beau dire, je connais que c’est pour être avec Nancette que vous êtes resté.

Il se mit à rire aussi et dit :

— Ma foi, c’est vrai ; je ne sais pas cacher la vérité.

— Allons, venez, lui dis-je, puisque vous restez, nous allons essayer de tirer quelques coups d’épervier pour vous faire manger du poisson.