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qui n’était pas bien fine cuisinière, mais avec ça nous nous en tirâmes bien, ayant grand faim tous.

De cette affaire-là, nous voici en connaissance, et nous nous voyions assez souvent. Je le trouvais des fois à Excideuil ; d’autres fois il venait chez nous, chercher le furet pour faire tuer des lapins à des amis, ou pour pêcher, car il s’était fait apprendre par Hélie à tirer l’épervier, ou pour chose ou autre. Toujours quand il venait, il montait à la maison donner le bonjour à nos femmes, de manière que je vins à penser que peut-être il venait un peu pour Nancette.

Quelque temps après, je vis bien que je ne m’étais pas trompé, car il venait plus souvent à la maison, et il y restait plus longtemps à causer avec la petite. Où j’en fus sûr tout à fait, ce fut à Excideuil, où je le trouvai un jeudi : — Allons prendre le café qu’il me dit.

Nous nous étions assis dans un coin, où il n’y avait personne ; c’était dans le moment que les gens étaient au foirail ou au minage, et, quand la fille eut servi le café, Fournier me dit rondement son affaire : Voilà ; il aimait Nancette et il me la demandait en mariage.

Moi, je voyais à ça pas mal d’affaires. Il y a un proverbe patois de chez nous qui veut dire : Mariage, troc, trompe qui peut ; mais ça n’est pas mon genre, et je lui dis tout du commencement que ma drole n’était pas un parti pour lui ; que notre bien valait dans les vingt-cinq ou vingt-huit mille francs ; que pour conserver la maison, nous donnerions le quart à l’aîné, et que par ainsi il reviendrait aux autres dans les trois mille francs au plus. Après ça, je lui dis qu’il était jeune encore, et qu’il pouvait se repentir du parti qu’il avait pris de quitter son état, et le reprendre, et qu’alors ma fille, qui serait pour sûr une bonne ménagère, était trop simplement élevée pour