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la Nancette nous dit qu’elle l’avait rencontré qui lui avait tiré son chapeau en la croisant : Ah ça, me dis-je, c’est-il à cause d’elle qu’il nous fait tant d’honnêtetés ? Mais je n’en parlai à personne. Depuis, la drole se trouva un matin sur le chemin avec lui, allant tous deux du côté de Puygolfier, et il lui demanda des nouvelles de la demoiselle, lui parla de choses et d’autres, honnêtement, en lui donnant à connaître qu’il se trouvait bien content de faire un bout de chemin avec elle.

Lorsque Nancette nous raconta ça le soir, mon oncle fit :

— Ah ça ! que nous veulent encore ces Bernou ?

Hélie, lui, tapa sur la table et dit qu’il allait descendre au bourg signifier à ce garçon de ne plus adresser la parole à sa sœur.

Entendant tout ça, elle cependant nous regardait avec ses yeux clairs et étonnés un brin, de manière que je vis bien qu’elle n’y était pour rien.

Alors, je dis à Hélie :

— Tu me feras le plaisir de rester tranquille ; s’il y a quelque chose à dire, c’est moi qui le dirai.

Mais depuis cette rencontre, Nancette n’alla plus à Puygolfier ni n’en revint seule : un de ses frères, le François, l’accompagnait. De temps en temps, ils rencontraient bien le jeune homme, mais lui se contentait de tirer son chapeau et passait sans rien dire.

À quelque temps de là, étant à Excideuil, je le trouvai sur la place contre la halle. Il avait l’air de m’attendre, car aussitôt qu’il me vit, il vint vers moi. Après le bonjour, il ajouta qu’il avait quelque chose à me dire, et que si je voulais, nous irions sur la promenade, où nous ne serions pas dérangés.

Nous y fûmes sans parler, et, arrivés là, quoiqu’il n’y eût personne, et que les cordiers qui y travaillent par côté d’habitude, n’y fussent pas, nous allâmes jusqu’au fond, d’où l’on domine les prés du château