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Les choses se suivent et ne se ressemblent pas. Quelque temps après, un jour du mois d’octobre, une huitaine après les vendanges, j’étais sous l’auvent pour regarder si Hélie, que nous attendions pour déjeuner, revenait du bourg où il avait été porter de la farine à des pratiques, quand tout d’un coup, dans le chemin qui passe contre chez nous, je vis le fils Lacaud avec sa chienne, son fusil sur l’épaule, qui avait l’air de s’en aller chasser du côté de Puygolfier. En passant, ce jeune homme, qui était de cinq ou six ans plus vieux que mon aîné, leva sa casquette et me salua. Tiens, que je me dis, ce garçon est mieux appris que son père ; mais quoique ça ne fut pas difficile, il faut dire que je fus surpris tout de même, étant comme nous étions avec les siens. Depuis, je le vis passer par là assez souvent, soit en allant, soit en revenant, et toujours il me disait bonjour et aussi à ceux de chez nous. Moi, ça me semblait bien un peu extraordinaire, et un jour je dis à ma femme :

— Pourquoi diable, ce garçon vient-il toujours chasser du côté de Puygolfier, plutôt que du côté de chez lui ?

Le lendemain du jour où je disais ça, comme j’étais sur la porte du moulin, je le vis venir vers moi, et quand il fut là, après avoir levé son chapeau, il me demanda la permission de traverser le moulin pour aller de l’autre côté de la rivière. Bien entendu, je lui dis que oui, et alors il me remercia comme si je venais de le tirer de l’eau. Dans ce temps-là, la demoiselle de Puygolfier était malade, et elle nous avait fait dire voir si Nancette pouvait y aller lui tenir un peu compagnie, tandis que la grande Mïette allait par les terres. La petite y montait donc les matins, et s’en revenait le soir avant la nuit, bien contente de faire ce plaisir à la demoiselle. Quelques jours après que le jeune Lacaud avait traversé le moulin,