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de penser à ce qui aurait pu être et à ce qui a été.

Quand tout fut fini, notre Hélie revint avec les autres, et je fus l’attendre à Périgueux. Le pauvre était maigre, noir, tout dépenaillé, mais point malade ni trop fatigué. D’un côté, toutes les misères de la guerre lui avaient fait du bien, car il était parti jeune drole et il revenait homme fait. On pense si je l’embrassai avec plaisir, et comme je fus content de le trouver en aussi bon point comme on peut l’être après une campagne comme celle-là. Une fois que je lui eus donné des nouvelles de la maison, de sa mère surtout, car il en revenait toujours à elle, il voulait partir de suite, sachant combien il tardait à la pauvre femme de le revoir. Mais auparavant, je le menai déjeuner avec trois ou quatre de ses camarades, et puis après nous partîmes pour le Frau.

Tout le long du chemin, les gens nous arrêtaient pour se faire raconter les choses par quelqu’un qui les avait vues ; mais lui qui ne pensait qu’à sa mère, disait après les premières honnêtetés qu’il n’avait pas le temps, et nous passions. Pourtant il nous fallut bien nous arrêter quelques minutes au Cheval-Blanc en passant à Savignac, et à Coulaures chez Puyadou ; ça n’aurait pas été fait honnêtement, de passer comme ça, sans parler aux amis, d’autant mieux que le matin, ils me l’avaient fort recommandé. Bien entendu, il fallut trinquer au Cheval-Blanc, et même chez Puyadou, car cette trulle de Jeantain s’y trouva, ce qui était comme un miracle, mais nous ne nous y amusâmes guère.

Nous marchions bon pas, et nous étions déjà au-dessus du bourg, à moitié chemin du Frau, quand voici venir à nous toute la famille. Hélie se mit à courir en les voyant, et alors sa mère s’arrêta toute saisie. Lui, l’ayant jointe, se jeta à son col et l’embrassait sans la lâcher, ayant la figure toute mouillée