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et repartant de bonne heure : j’ai passé bien des fois à Coulaures et je ne crois pas l’avoir rencontré quatre fois chez lui.

La voiture s’arrêta devant la porte, et le postillon descendit pour faire chabrol. Quand il eut fait, il demanda si on avait des commissions, et, comme il n’y en avait pas, il remonta sur son siège et, nous, étant grimpés derrière lui, il donna un coup de fouet tout doucement à ses bêtes, comme qui leur chasse les mouches, et ayant crié en même temps, hue ! la voiture repartit.

C’était un bon diable que ce postillon appelé La Taupe, sans doute parce qu’il était noir comme cette bête, mais il ne passait pas une auberge d’Excideuil à Périgueux, allant ou revenant, sans s’y arrêter pour faire un chabrol. Ça c’était réglé ; il mettait une pleine cuiller de soupe dans son assiette, histoire de la réchauffer un peu, et après, la remplissait aux trois quarts de vin. Puis quand il avait avalé ça, il se passait la main sur les babines, et en route. Comme il était tout à fait complaisant et qu’il faisait journellement des commissions gratis pour tout ce monde, jamais de la vie on ne lui aurait demandé un sou dans ces auberges.

Tout le long de la route il se trouvait des gens qui lui disaient : Tiens, La Taupe, rends-moi ce paquet chez monsieur un tel, ou : te voici cent sous, porte-moi un gigot, j’ai du monde demain. C’était lui qui allait chercher le tabac à l’entrepôt pour les débitants, et portait les paquets au collège. Et les lettres donc, il en ramassait tout le temps sans s’arrêter. Au débouché des chemins, on voyait des gens qui attendaient, venus des villages écartés, et aussi à la sortie des endroits : c’était des gens qui avaient des affaires pressées, ou qui se méfiaient des bureaux de poste des bourgs où on est curieux ; principalement les filles qui ne voulaient pas qu’on sût qu’elles écrivaient à leurs galants.