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J’avais été un peu surpris, mais, en même temps, j’étais tout fier de mon aîné :

— Tu as raison, mon drole, lui dis-je, et je suis content de voir que tu as profité des bonnes leçons que nous ont données les anciens, et des exemples de nos grands-pères.

Ma pauvre Nancy, oyant mon consentement, essuya ses yeux et se raffermit un peu.

Une fois la chose décidée, il fallut lui préparer son paquet, des bas, des chemises, des mouchoirs, pour partir le lendemain de grand matin ; ce soin amortit un peu la peine de ma femme, et quand tout fut prêt, nous allâmes nous coucher.

Au petit jour, nous étions tous debout. Ma femme fit chauffer de la soupe, et voulut faire déjeuner son drole ; mais quand il eut fait chabrol, il dit qu’il ne pourrait pas manger, que c’était inutile d’essayer.

Alors il embrassa ses frères, sa sœur qui pleurait, la pauvrette ; puis Gustou, l’oncle et enfin sa mère. Ce fut là le plus dur : la pauvre femme n’avait pas dormi de la nuit, mais elle se maîtrisait, ses yeux étaient secs et brillants. Elle embrassa plusieurs fois son aîné, comme ne pouvant se déprendre de lui et, enfin, après l’avoir serré une dernière fois sur sa poitrine, elle lui dit : va mon petit, et conduis-toi toujours comme les braves gens !

Nous partîmes tous deux, Hélie et moi, pour aller attendre à Coulaures le passage de la voiture de Périgueux. Elle en avait encore pour une demi-heure quand nous y fûmes, et en attendant nous entrâmes chez les Puyadou. Le vieux était mort, mais la petite vieille était toujours là. Une grosse fille qui n’avait pas l’air d’avoir froid aux yeux la remplaçait, servant à la boutique et à table les gens qui venaient acheter du tabac ou boire un coup. Quant à Jeantain, il était en route comme toujours, rentrant tard à la maison,