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des places, des hommes, de l’argent et de tout, et qu’on lui nommait les députés qu’il voulait ? À quoi ça rimait-il ? à rien. Mais les maires, et les fortes têtes qui étaient pour l’Empire, disaient que cette votation cachait de grands projets, et qu’en consolidant par des votes unanimes le pouvoir de l’Empereur, il en aurait plus de force pour faire de grandes choses.

Pardi, comme ça, dans nos pays, ça ne pouvait pas manquer de réussir : on ne demandait aux gens que de voter encore une fois, ce qu’ils avaient voté vingt fois ; ça n’était pas une affaire. Les plus innocents, d’ailleurs, comprenaient bien que c’était une farce, et que quand même l’Empereur n’aurait pas eu la majorité, il ne s’en serait point en allé pour ça. Lacaud, son représentant dans notre commune, le disait assez, et de plus, il laissait entendre, qu’on prendrait des mesures contre les perturbateurs comme il y avait dix-huit ans.

Tout ça faisait que l’Empire était bien sûr d’avoir presque toutes les voix ; mais ce n’était pas presque toutes, que notre maire aurait voulu avoir ; c’est toutes. Ah ! s’il avait pu enregistrer sur son procès-verbal rien que des Oui, comme il aurait été heureux. Du coup, il en aurait cru avoir la croix, après laquelle il a couru toute sa vie sans l’attraper. Mais voilà, il y avait les Nogaret du Frau, comment faire ? Et il nous faisait parler par les uns, par les autres, disant que c’était bien inutile de s’obstiner à voter contre l’Empire, puisque la France le voulait : à quoi ça pouvait-il servir ?

Mon oncle et moi, nous répondions à ceux qui nous en parlaient : à quoi bon voter alors, si on n’est pas libre ; si on doit de rigueur voter pour celui qui fait voter, ça n’est pas la peine de déranger les gens pour ça.

Depuis que le pauvre Lajarthe était mort, nous