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drole eut une douzaine d’années, voyant qu’on ne faisait à l’école que lui répéter ce qu’on lui avait déjà appris, il se mit dans l’idée d’aller au collège d’Excideuil. Il commença par en parler à sa mère en cachette, et elle, pensant que c’était une fantaisie qui lui passait par la tête, dit que ça coûtait cher, et que point n’était besoin de tant étudier pour être meunier. Lui, ne dit rien, mais depuis il n’était plus content comme auparavant, et il était toujours à farfouiller dans la chambre de mon oncle, après les livres, et se retirait dans un coin pour lire. Je finis par m’apercevoir qu’il n’était plus le même, et un soir en soupant, je lui demandai ce qu’il avait. Il répondit comme tous les enfants, qu’il n’avait rien. Mais sa mère, voyant que je n’en pouvais plus tirer mot, nous dit ce qui en était.

Je regardai le drole et je lui dis :

— Et que veux-tu aller faire au collège ?

— Pour apprendre des choses qu’on n’apprend pas dans l’école de M. Malaroche, dit-il.

— Mais de quoi ça te servira-t-il pour être meunier ? Tu sais bien que je ne veux pas faire de vous autres des messieurs, quand même je le pourrais. D’ailleurs, voilà ton aîné qui n’y a pas été au collège, et les autres n’y iront pas : ça coûte cher, penses-tu bien, et il ne serait pas juste de faire pour toi des dépenses qu’on ne fait pas pour les autres.

— Mais Hélie, et tous, dirent alors : père, ça ne fait rien, s’il veut y aller, nous ne sommes pas jaloux.

— Pourtant, dit mon oncle, si ce drole avait bonne envie d’apprendre, et qu’il eut des moyens, ça serait malheureux de ne pas le mettre à même de faire son chemin.

— Je suis bien un peu de ton avis, que je dis, et je me souviens qu’à son âge j’avais grande envie d’apprendre tout ce qu’on enseigne dans les collèges ; je ne m’étonne donc pas qu’il soit de même. Mais au