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consul Enilius ? rien : il suffit que nous n’égarions pas nos fantaisies sur une foule de choses inutiles, nuisibles même, mais devenues nécessaires aux riches. On peut être courageux, désintéressé, dévoué à son pays, dans le cours de la vie obscure que nous menons à la campagne, et dans des occasions ordinaires, comme ces grands hommes l’étaient sur un grand théâtre, et dans des circonstances où il s’agissait des intérêts de tout un peuple. L’objet est infiniment plus petit, sans doute, mais la vertu peut être grande, sans égaler pourtant celle de quelques-uns, comme Caton ou Phocion, qui est non pareille.

Quand je parle des hommes de l’antiquité, ça n’est pas que je renie nos Français. Il y en a assez qui pourraient servir d’exemple ; malheureusement, ils n’ont pas trouvé un bon historien comme ceux-là. Pourtant ça serait utile et profitable, de connaître la vie de Bayard, de Michel de l’Hospital, de la Boétie, de Sarlat, du maréchal Catinat que les soldats appelaient le père la Pensée, de la Tour d’Auvergne le premier grenadier de France, du général Beaupuy, de Mussidan ; grands hommes comparables à ceux d’autrefois, et d’autres encore.

Pour en revenir, nos enfants en âge allaient donc à l’école de la commune, manque Hélie, l’aîné, qui maintenant travaillait au moulin avec nous. Nancette était une belle fille de quinze ans qui aidait beaucoup à sa mère, de sorte que, la Fantille s’étant mariée, nous ne prîmes pas d’autre servante. Les classes n’étaient pas aussi savantes, et on n’y enseignait pas tant de choses que maintenant. J’ai dit que mes enfants n’apprenaient pas très facilement, mais en revanche, ce qu’ils avaient une fois appris, ils le savaient peut-être mieux que les autres ; joint à ça, que, pour en raisonner et l’appliquer, ils ne craignaient guère personne de leurs camarades. Aujourd’hui les enfants ont tant et tant de choses à apprendre,