Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ces mots-là, mais tout bonnement pour orner un peu notre langage et lui donner du nerf.

Pour en revenir à la géante, à bien dire la vérité, elle n’avait pas tant de chaînes et de colliers et de dentelles que sur le tableau, mais, au demeurant, l’enseigne ne trompait point. Ce n’était pas une de ces grandes créatures, de ces colosses de femmes aux allures de grenadier, aux traits homasses, avec des moustaches. Non, c’était comme le disait le tableau une fille de quinze ans à peu près, de six pieds de haut, bien faite, avec une jolie figure fraîche et un sourire tout jeune, qui contrastait fort avec ses formes très accusées.

Je ressentis, à la vue de cette belle créature, je ne sais quel sentiment encore inconnu. Il me semblait que j’aurais eu du plaisir à me coucher à ses pieds, à la regarder toujours, à dormir près d’elle comme un enfant près de sa mère.

M. Masfrangeas, dans ce temps, faisait quelques questions au jeune phénomène, qui répondait très bien avec une voix douce qui augmentait le plaisir que j’avais de la voir. Elle montra de très près ses bras superbes et les fit tâter aux gens qui étaient là ; puis relevant honnêtement sa robe jusqu’au-dessous du genou, elle offrit un mollet magnifique à leur admiration : voyez, Messieurs, il n’y a rien de postiche, vous pouvez vous en assurer. M. Masfrangeas s’en assura assez longtemps, et quelques autres après lui ; mais lorsque poussé, je ne sais par quel sentiment, je voulus vérifier à mon tour, elle laissa retomber sa robe, et me dit en se riant : vous êtes trop jeune mon petit ami !

J’étais timide d’habitude, mais ce soir-là, j’avais bu un peu plus que de coutume, et je répartis :

— Trop jeune ! mais j’ai seize ans, un an de plus que vous !