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ne sont pas françaises, et pourquoi je donne à des mots français leur signifiance patoise. Les anciens me comprendront tout de même, et ceux qui n’ont pas tout à fait oublié les coutumes du pays ; les autres, non, mais je n’y puis rien. C’est que je ne suis pas un savant, il s’en faut de plus de cent empans. Je ne suis pas allé au collège, à mon grand regret, car tout enfant, j’avais bonne envie d’apprendre, mais mes parents n’avaient pas le moyen. Lorsque je voyais passer, allant en promenade, les collégiens d’alors, avec leur habit bleu de roi à boutons dorés, et leur chapeau haut de forme, ce n’était pas cet habillement dans lequel j’aurais été mal à l’aise que j’enviais ; mais les facilités qu’ils avaient de s’instruire. Le latin surtout ; oh ! que j’aurais voulu l’apprendre. J’avais trouvé une vieille histoire romaine, et j’aurais aimé lire dans leur langue, les historiens de cette Rome antique que je trouvais si grande.

Depuis, j’ai attrapé quelques bribes de çà de là, mais rien qui vaille la peine d’en parler. Le fonds manque du tout ; aussi je conviens qu’il m’est impossible d’écrire autrement que j’ai parlé depuis quarante ans que je suis revenu au Frau. Que l’on m’excuse donc si je patoise en français, et si je francise en patois.

Tant que j’y suis, il faut que j’explique une autre affaire. Si on trouve quelquefois, par-ci, par-là, des F et des B, il ne faut pas s’en étonner. Nous autres paysans nous lâchons un : foutre, ou un : bougre, assez facilement, de manière que si on n’en avait pas rencontré on aurait trouvé ça bien étonnant de ma part. D’ailleurs, voyons, on entend de ces paroles tous les jours, sans s’en fâcher, et que ça entre dans l’entendement par les yeux ou par les oreilles, c’est kif-kif, comme disait mon oncle. Et puis enfin, c’est sans malice que nous nous servons