Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/332

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la plaine de la Dordogne, couverte de brume qui venait s’arrêter aux rochers taillés à pic au niveau de la promenade, tout à mes pieds. C’était tout à fait beau, et quoique nous autres paysans, nous aimions mieux ordinairement voir un joli champ de blé, que des choses comme celle-ci, ça me fit plaisir. Tout au loin, la brume entrait dans les ouvertures des petits vallons, s’arrondissait autour des hauts mamelons et suivait tous les contours des coteaux, de manière qu’on aurait dit un grandissime lac de plusieurs lieues de traversée, bien tranquille, tandis qu’au-dessus le soleil éclairait ses bords, faisait briller les maisons blanches à mi-côte des puys couronnés de chênes verts, et roussissait les vieilles ruines campées sur les hauts rochers.

Cette ville est curieuse ; les rues sont coupées à droit, larges et bien alignées. Autour, du côté de la Dordogne, elle est gardée par les rochers à pic, que le fameux capitaine Vivant escalada, lorsqu’il la surprit le 25 octobre 1588. La Crozo Tencho, où il se mit en embuscade avec ses soudards huguenots, se trouve dans ces rochers, à droit de la gendarmerie. Des autres côtés, Domme était défendue par de fortes murailles percées de quatre portes. Mais à présent, depuis des années, ceux qui veulent bâtir, vont chercher des quartiers aux vieux murs comme à une carrière, et puisque ces murailles ne peuvent plus être utiles à rien, il vaut tant qu’elles servent à faire des maisons, que de s’en aller morceau par morceau, par la pluie et la gelée.

Le jour que j’y étais, c’était un dimanche, et je vis des meuliers de Domme-Vieille. Il fallut aller au café, bien entendu, et se promener en causant de nos affaires. Le patois du pays est plus nerveux, plus vif et mieux signifiant que le nôtre du Périgord blanc qui est lourd, traînant et mou. Les gens de Domme me convenaient assez aussi ; ils sont bons enfants,