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taient autour du cou. Voilà-t-il pas que le curé va s’imaginer que ça n’était pas honnête ! Il se mit à prêcher contre les nudités, comme il disait : Selon lui, c’était le diable qui avait appris cette mode aux femmes pour plaire à leurs galants. Eh bien, je me pensais, ayant souvenir du seul bal où je sois allé, avec les demoiselles Masfrangeas, si le curé voyait les dames de la ville, qui ne marquent pas la messe pourtant, valser avec des jeunes gens, ayant leurs tétons tout découverts, qu’est-ce qu’il dirait donc ?

Une autre chose qui ne lui allait pas, c’était la danse. Tous les dimanches il parlait là-dessus longuement, et disait sans se gêner qu’il n’y avait que les filles de mauvaise vie qui allaient au bal ; que c’était des coureuses d’hommes ; est-ce que je sais tout ce qu’il ne disait pas. Mais pour çà il n’y faisait rien. Aux vôtes des communes d’alentour, à la Sainte-Constance à Excideuil, les filles allaient danser tout de même ; et le jour de notre ballade, la petite place était pleine de jeunesse, qui se trémoussait sous les ormeaux. Du temps du curé Pinot, quand après déjeuner il s’en allait chanter vêpres, avec les curés du voisinage venus pour la fête, tous bien rouges et repus, il se contentait de dire en passant : — Allons ! allons ! maintenant il faut aller à vêpres ! Et garçons et filles entraient à l’église et reprenaient après. Mais son successeur voulait empêcher totalement de danser, et il aurait fallu que le maire le défendît. Mais M. Lacaud lui dit que ça n’était pas de faire ; que si on ne laissait pas les jeunes gens et les filles danser sur la place, ils iraient danser ailleurs, et que ça mettrait la commune en révolution. Voyant ça, il imagina de refuser l’absolution, ou de la faire attendre longtemps aux filles qui avaient dansé ; mais tout ce qu’il y gagna, c’est qu’il y en eut quelques-unes qui s’en passèrent, et aucune ne renonça à la danse.