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tre de la messe, de la confession, de tous les devoirs du chrétien ; nous dit combien nous étions coupables de les négliger ; s’efforça de nous faire peur de l’enfer, et enfin enfila toutes ses raisons pour nous persuader. Nous l’écoutâmes comme ça pendant dix minutes ; mais à la première pause, mon oncle lui dit :

— Écoutez, Monsieur le curé, vous perdez votre temps à essayer de nous convertir ; nous ne sommes plus des enfants ; moi j’ai deux fois votre âge, mon neveu est votre aîné, et pour vous parler franchement, nous n’aimons pas qu’on blâme notre manière de nous conduire. Si j’allais chez vous en faire autant, vous ne le prendriez pas bien sans doute, ainsi vous comprendrez qu’il vaut mieux ne plus parler de ces affaires-là.

— Comment ! fit le curé en tressautant, mais ce n’est pas la même chose ! J’ai mission de Notre-Seigneur Jésus-Christ de ramener les âmes à lui ; Monseigneur m’a donné les pouvoirs nécessaires, je suis votre pasteur, et à ce titre j’ai le droit de vous remontrer ce que je crois être pour votre bien.

— Eh bien ! Monsieur le curé, riposta mon oncle, vous êtes chez des gens qui ne croient pas à votre mission, comme vous dites, ni aux pouvoirs de l’évêque, ni à plus forte raison aux vôtres. Nous ne sommes pas de vos brebis, puisque pour vous les gens de la commune sont un troupeau, et vous n’êtes pas notre pasteur. Que ceux qui reconnaissent votre autorité reçoivent vos remontrances, c’est leur affaire ; mais ici vous n’avez point à nous en faire.

Il se leva les yeux méchants, jaune de bile remuée, et s’adressant à moi :

— Mais au moins, dit-il, que votre femme et vos enfants innocents ne soient pas les victimes de vos funestes principes ; laissez-les être chrétiens !

J’allais lui répondre, mais ma femme qui était là