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serez damné comme une serpe ! Mais c’est à savoir : qu’on me montre d’abord où est l’enfer !

Entre nous, je crois que si toutes ces affaires-là étaient aussi certaines et aussi nécessaires qu’on le dit, elles éclateraient à tous les yeux, bons ou mauvais, sans tant de discours. En finale, pour moi, j’avoue tout bonifacement que je ne suis pas assez habile pour affirmer, ni assez roide de col pour nier ; mais pour en croire quelqu’un sur parole je ne le peux. Dans tout ce qu’on dit là-dessus je trouve qu’on se paye de mots qui dépassent notre entendement.

Mais quand même je serais très sûr que le Dieu de nos curés existe ; que nous avons une âme qui ne meurt point avec nous, et sera récompensée ou punie, cela ne me ferait changer en rien de conduite, ni être catholique, ou protestant, ou juif, parce que je crois pas qu’un Dieu nous ait damnés pour une pomme, ni que ce Dieu ait besoin de prières et de cérémonies pour être honoré, pas plus que de prêtres pour nous faire connaître ses volontés.

Voilà comme nous étions dans la maison, et ça venait de famille, car ni mon grand-père, ni mon père n’avaient voulu se confesser à l’article de la mort, et mon grand-père répétait souvent un proverbe patois qui se peut traduire ainsi : Les prêtres et les pigeons gâtent les maisons. Ainsi, nous étions honnêtes avec eux, mais nous n’étions pas de ceux chez lesquels ils sont toujours fourrés. Dans la famille, si quelquefois les uns ou les autres s’étaient un peu relâchés en quelque chose, c’était sur quelque affaire de peu d’importance, et afin de ne pas contrister les femmes, qui n’avaient pas été élevées dans ces idées. Je conviens que c’est un tort, et qu’on doit être, ou bon catholique et pratiquer exactement, se confesser, faire ses Pâques, jeûner, etc., ou ne l’être pas, et s’abstenir en conséquence de tout acte et de toute cérémonie de religion : mais l’homme n’est pas par-