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enfants n’étaient pas baptisés. Mais il vint tout de même, ne voulant pas sans doute avoir l’air de reculer devant des impies, et peut-être aussi espérant de nous ramener. Mais il se trompait du tout au tout ; jamais nous n’aurions dit, ni rien fait qui pût faire de la peine aux personnes dévotes ; nous n’avions point de haine contre les curés et la religion ; et nous ne parlions pas mal du bon Dieu : nous n’étions donc pas des impies, comme le disaient les vieilles bigotes ; mais, par exemple, nous étions tout à fait indévots et incroyants.

Tous les ans nous faisions faire exactement le service promis à la pauvre défunte Mondine, mais quant à ce qui est de nous autres, notre dernier acte de religion, avait été mon mariage à l’église, pour les raisons que j’ai dites, et encore je m’en suis toujours repenti. Quant à nous signer devant les croix, ou à croire tout ce qu’on enseigne au catéchisme, à aller à la messe, à nous confesser et à faire nos Pâques, c’était chose impossible, tant nous étions peu portés à la religion. Quand on parlait devant nous des mystères, de miracles, qu’on racontait des légendes pieuses et autres choses semblables, il me semblait ouïr de ces contes qu’on fait pour divertir les petits droles ; et de fait, je crois que tout ça a été inventé, pour amuser les peuples encore dans leur enfance.

Il y en a qui vous certifient ces choses tout de go, comme s’ils les avaient vues : que voulez-vous que je vous dise, j’ai eu beau m’écarquiller les yeux, je n’ai pu rien voir. Tous les raisonnements que j’ai ouï faire sur ces questions de religion, pour persuader les mécréants comme moi, m’ont surtout prouvé qu’elles sont très obscures et incompréhensibles. Mais s’il y en a qui ont meilleure vue que moi et ne sont pas aussi infirmes d’esprit, ce qui est bien possible, tant mieux pour eux.

On me dit quelquefois : mon pauvre Nogaret, vous