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mande à Dieu tous les jours de descendre sur l’autel, et de s’offrir victime résignée, et Dieu lui obéit, et il ne peut faire autrement que de lui obéir : on peut donc dire, avec vérité, que le prêtre est en un sens plus puissant que Dieu.

On peut croire qu’un gaillard comme ça, le prenait de haut avec les brebis de son troupeau, et ne se familiarisait point avec elles, comme le bon curé de Peiro-Bufiero. Quand il fit sa tournée dans les maisons et les villages, pour connaître son monde, il refusait tout ce qu’on lui offrait, soit de se rafraîchir, soit de faire collation. Il semblait qu’il n’eût jamais ni faim, ni soif, et ne fût point sujet à toutes les misères des autres hommes. Mais s’il n’avait pas soif de vin, il avait soif d’être le maître, de dominer tout le monde et de gouverner les gens selon ses idées.

Avec les riches, les nobles, les gros bonnets connus à l’évêché pour être bons catholiques, et dévoués à la religion, il était plus doux, car il était ambitieux et ne voulait pas se faire d’ennemis capables de lui nuire. Et puis, il avait vu de suite, que si d’un côté, chez les nobles, on lui rendait une déférence due à son état, de l’autre, on le regardait comme un inférieur. Chez M. le comte de la Bardonnie, on lui avait fort bien fait sentir, en le recevant avec les égards de convention dus à un allié naturel, qu’on n’oubliait pas sa paysannerie, et tout ça le rendait prudent. Je raconte ça par ouï-dire, car on pense bien que je n’y étais pas. Mais avec les paysans, le commun du troupeau, il était roide et hautain. Cette conduite n’était pas tout à fait dans l’esprit de l’Évangile, mais il y a belle lurette que les prêtres l’ont perdu de vue, si tant est qu’ils s’en soient jamais inspirés.

Moi, je croyais que ce diable de curé ne serait pas venu à la maison, sachant que depuis longtemps nous ne fréquentions pas l’église, et que même nos