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chose. Celui-là n’aimait ni les lièvres en royale, ni les beaux barbeaux, ni les chapons truffés, ni le bon vin, ni le café, ni le vieux cognac, ni la pipe, ni la bête hombrée, ni les femmes, ni rien. C’était le fils d’un pauvre paysan du côté de Lanouaille, appelé de son sobriquet : Crubillou, qui avec un bien de mille écus, avait six ou sept enfants qu’il ne pouvait nourrir. Le curé de l’endroit ayant remarqué le second de ces enfants, qui était assez éveillé, le prit chez lui, et, comme il apprenait bien, le poussa à se faire curé. Le garçon, qui préférait prêcher à ceux qui piochaient la terre, plutôt que de la piocher lui-même, et de s’exterminer à nourrir des enfants comme faisait son père, eut tout de suite la vocation, comme ils disent. On le mit au séminaire, pour apprendre le métier, et on disait que c’était les jésuites qui l’avaient élevé. Eux ou d’autres, ceux qui l’avaient dressé ne l’avaient pas manqué. Dès le séminaire, il avait une si grande idée de son état, que lorsqu’il allait voir ses parents, il ne se familiarisait point avec eux, ne les tutoyait pas, ni eux non plus, et n’embrassait pas tant seulement sa mère. Eux, les pauvres gens, tout fiers d’avoir un curé dans leur famille, le respectaient comme le bon Dieu, et s’il leur faisait la grâce de déjeuner, vite, on tuait un poulet et on faisait une omelette, et les sœurs servaient M. l’abbé, qui mangeait seul, pour ne pas compromettre la dignité de son caractère religieux.

Le premier dimanche après son arrivée, il prêcha sur la supériorité du prêtre, sur le grand respect qu’on lui devait, à cause de son caractère sacré. Les histoires de son devancier ne le gênaient guère, et il semblait à l’entendre, qu’on n’eût jamais connu dans la paroisse l’histoire des pinces à feu, ni ouï parler des fredaines des curés. Et pour faire comprendre à ses paroissiens, combien était puissant et vénérable le prêtre, il leur disait : — Le prêtre com-